Est-il prudent de partir golfer en Turquie ?

15 octobre 2014

Une fois n’est pas coutume, nous revenons sur l’actualité pour vous donner toutes les clés de compréhension de la situation au Moyen Orient. Si vous êtes inquiet pour votre prochain séjour en Turquie, voici quelques bonnes raisons de garder la tête froide.

Chaulieu

L’importance de correctement se documenter

L’actualité du moment se concentre sur l’intervention d’une coalition de pays, dont la France, en Syrie pour empêcher le développement d’un État naissant jugé illégitime par la communauté internationale. Chez Planet Golf Antalya, nous sommes des spectateurs attentifs de ces évènements, car notre activité consiste exclusivement à permettre aux golfeurs français de golfer en Turquie et particulièrement dans la région balnéaire de Belek. Vous êtes nombreux à solliciter nos conseils et recommandations vis-à-vis de ce conflit et il est pour nous fondamental d’adopter une position claire et sans compromis.

À juste titre, certains se demandent s’il est prudent de se rendre à Belek dans les semaines à venir. Nous comprenons parfaitement ce questionnement. Nous savons qu’un séjour est avant tout une affaire de confiance et de sécurité. Tout le luxe du monde ne pourra jamais rattraper un déficit de confiance. C’est pourquoi nous avons décidé de publier ici notre avis. Cet article qui marque un radical changement de ligne éditoriale est indispensable pour clarifier la situation. Mais nous vous conseillons également d’aller enrichir cette lecture par d’autres sources comme les bulletins d’informations du Ministère des Affaires Etrangères, les reportages des principaux sites de presse en ligne. Le Figaro et le Monde se distinguent pour leur excellent traitement des affaires extérieures. Le Guardian pour les anglophones est une référence pour ces mêmes questions. Nous émettons un bémol pour le média télévisé qui, de par sa nature propre, favorise l’émotion et le sensationnel plutôt que la réflexion et ne saurait à notre avis vous apporter la sérénité nécessaire à une juste compréhension des évènements.

Réponses aux inquiétudes

Deux points essentiels nécessitent une information détaillée et une froide rigueur. Il y a d’abord la question culturelle qui surgit avec force depuis le monstrueux assassinat de Hervé Gourdel. Une peur légitime est née de cet acte odieux et l’on peut se demander s’il est prudent de se rendre dans une région de culture musulmane alors que notre pays est en guerre contre l’État Islamique. Puis, il y a le climat géopolitique, un sac de noeuds difficilement compréhensible, d’où ressortent partiellement certaines informations loin d’être rassurantes : la Turquie à présent engagée dans le conflit syrien, les affrontements populaires qui sévissent dans quelques villes turques ou encore l’attentisme de l’armée turque. Nous pensons qu’il est nécessaire de répondre à ces deux questions, celle d’une éventuelle rivalité entre culture locale et ressortissants occidentaux et celle des évènements liés au conflit syrien.

Une animosité culturelle ?

Rappelons avant tout notre profonde tristesse et notre choc devant la mort de notre compatriote Hervé Gourdel. La France entière s’est émue du drame et le gouvernement a réagi en publiant une liste de pays à éviter. Nous avons appris avec stupeur que la Turquie était placée sur cette liste. Notre incompréhension s’est rapidement doublée d’un profond sentiment d’injustice : la Turquie est effectivement un pays de tradition musulmane, mais cela suffit-il à la classer dans cette liste de pays à risques? Nous en doutons. Par ailleurs, le site internet du Ministère des Affaires Etrangères ne déconseille pas de se rendre en Turquie qui est, hormis la frontière avec la Syrie, toujours classée en zone verte. Il semblerait donc que cette liste ne reflète pas l’avis officiel du Quai d’Orsay et soit davantage un coup de communication pour donner l’illusion d’une réaction politique forte.

Qu’est-ce qui nous fait dire que la Turquie n’est pas, à l’instar des pays du Maghreb, un pays où les ressortissants occidentaux aient à se méfier des populations locales ? L’observation élémentaire des faits en atteste, la Turquie ne sert pas de base arrière à des groupes fondamentalistes tels qu’Al Qaeda ou Daesh. La volonté de médiatiser leurs actions et de faire plier les États d’occident mène les groupes fondamentalistes à prendre en otages des ressortissants occidentaux. Le combat du PKK en Turquie ne porte que sur des questions d’autonomie des peuples kurdes. Cette stratégie est hors de propos pour le PKK dont le combat est interne à la nation turque.

La virulence extrémiste du Maghreb saharien n’est pas transposable à la Turquie. La tradition laïque est un héritage très lourd dans ce pays. Attribuable à la volonté d’Ataturk de moderniser son pays, la laïcité est perçue comme un acquis fondamental. L’illusion d’une Turquie qui serait en proie à une montée de l’islamisme est en partie causée par le profil islamoconservateur de son président, M. Erdogan. Mais il s’agit plus ici d’une posture électoraliste que d’un programme politique. La modernisation vertigineuse du pays ces quinze dernières années inquiète légitimement les classes populaires par le changement dramatique des modes de vie, la destruction inéluctable de certaines communautés et la rupture progressive de solidarités inadaptées à ce processus. Se présenter comme islamoconservateur est avant tout pour M. Erdogan une façon de rassurer son électorat rural rétif à ces changements brutaux.

La proximité du conflit ?

Le deuxième point qu’il est important de bien comprendre est la position de la Turquie dans le conflit qui se joue actuellement en Syrie. Certains d’entre vous craignent un élargissement du conflit qui pourrait déboucher sur des combats en Turquie.

Daesh et la Turquie

Effectivement, les observateurs déplorent le soutien de la Turquie aux combattants de l’État Islamique. Mais rappelons ici que ce soutien ne date pas d’hier et qu’il n’est pas isolé. La Turquie opère ici en allié de la diplomatie américaine. Dans le contexte récent de la lutte internationale contre Bachar el-Assad, la Turquie a effectivement agi de concert avec les États-Unis pour soutenir ce qu’on appelait il y a peu des « Rebelles ». Parmi eux se trouvait Daesh. À l’époque de nombreuses voies se sont élevées contre ce soutien. Notre avis sur cette question n’a pas véritablement d’importance. Remarquons simplement que, par ce soutien la Turquie ne fait que jouer sa partition dans le récital diplomatique dirigé par le gouvernement américain. Il n’y aucune trace ici de soutien officieux et dissimulé, de double jeu ou de compromission.

Un risque de guerre en Turquie ?

Ici encore, il n’y a pas lieu de céder à l’inquiétude. Pour être clair, Daesh est un nain comparé à la Turquie. Jamais, cette organisation ne disposera de ressources militaires suffisantes pour oser même tenter d’attaquer Ankara. Cela signifierait signer son arrêt de mort immédiat.

De fait, la frontière avec la Syrie est exposée par le conflit en Syrie. Les régions turques frontalières voient arriver des flux de populations venant de Syrie pour fuir Daesh. Mais rien de cela ne représente une quelconque menace pour les touristes de Turquie. Belek est à 1200 km de la zone frontalière. Autant dire que les forces militaires relativement faibles de Daesh sont très largement hors de portée. Cette organisation, qui rappelons le, n’a pas de forces aériennes, n’a ni les moyens ni l’envie de provoquer la Turquie. Il n’y a donc pas de risque de débordements du conflit.

Les troubles politiques

Ce qui précède permet déjà de considérer avec plus de sérénité la question de la sécurité en Turquie. Les plus courageux pourront poursuivre la lecture avec ce dernier chapitre qui aborde une question délicate, celle de l’immobilisme de l’armée turque.

Depuis le 2 octobre dernier, le parlement turc a donné son autorisation pour intervenir militairement contre Daech. À la suite de ce vote, les chars turcs ont été déployés à la frontière syrienne.

Dans le même temps, l’avancée des troupes de Daech au nord de la Syrie suit une feuille de route qui conduit à l’établissement d’une voie le long la frontière turco-syrienne qui permettrait à Daech de pérenniser ses succès militaires. La ville de Kobane résiste cependant à l’avancée des troupes de Daech et livre un combat héroïque. Cette résistance est l’oeuvre du PYD, le parti qui prétend contrôler le Kurdistan Syrien. Bien qu’officiellement non affilié au PKK, Ankara considère que ce n’est pas dans son intérêt de renforcer le PYD. Dans le cadre de la lutte de la Turquie contre Bachar el-Assad, qui reste d’actualité, le renforcement du PYD n’est pas considéré comme une solution puisque cela entrainerait une consolidation de l’identité kurde et pourrait servir, toujours selon la diplomatie turque, de base arrière aux militants du PKK.

Le rapport de force qui oppose le gouvernement turc et le PKK dicte les modalités de résolution du conflit qui les oppose. La Turquie estime que l’évolution de ce rapport de force n’est pas souhaitable puisqu’il joue en sa faveur depuis plusieurs années. La crainte de voir cet équilibre évoluer, grâce à une victoire du PYD contre Daesh, interdit tout soutien d’Ankara aux résistants de Kobane. C’est cette logique qui explique le stationnement des tanks aux abords de la frontière alors que Kobane est en feu. C’est aussi cette logique qui pousse les Kurdes de Turquie à manifester leur mécontentement envers le gouvernement. Les violents affrontements entre forces de l’ordre et pro-kurdes sont restés circonscrits aux grandes villes et aux régions de l’est. Mais surtout, ces mouvements ne représentent aucun danger pour les touristes dans la mesure où ils respectent les consignes de sécurités de base comme l’évitement des attroupements.

Pour conclure

Il y aurait évidemment de multiples précisions sur la nature de ce conflit. Seuls sont cités ici les acteurs qui contribuent à la compréhension des évènements. D’aucuns dénoncent un double jeu de la Turquie. Comme s’il s’agissait là de dénoncer une perversité dissimulée de la politique étrangère turque, nous soulignons simplement que toutes les nations modernes utilisent, et parfois pâtissent, de ce type de positionnement. La Turquie réclame le départ d’el-Assad mais ne voit pas d’un bon oeil l’étendard unitaire de la lutte kurde à Kobane. Mais AKP (le parti au pouvoir en Turquie) ne tolèrerait pas non plus une avancée trop importante de Daesh tant la vision fondamentalisée de l’Islam que ce dernier propose (ou plutôt impose) est en contradiction avec le libéralisme turc.

Nous affirmons ici que Belek est une région calme et à l’écart de tout mouvement potentiellement dangereux.

En plus des informations qui précèdent et qui montrent les arguments objectifs de cette sécurité, nous fournissons un témoignage de première main. De nos propres yeux, nous voyons un environnement extraordinairement paisible. A l’écart des tensions présentes dans les grandes villes et du conflit en Syrie, Belek nous apparaît toujours comme le lieu idéal où passer ses vacances golfiques.

Tous vos commentaires sont les bienvenus pour préciser, compléter ou même contredire les éléments décrits plus haut.



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